samedi 24 mars 2007

La petite juive et la petite allemande

Sortie du camp, la petite juive racontait encore et encore son histoire. Chaque jour un peu différente de la veille, mais personne ne s’en apercevait. Elle avait beaucoup souffert, il aurait été impudent de le nier. Son corps squelettique prouvait qu’elle avait eu faim et froid. Peur aussi probablement. C’est vrai que son histoire était triste. Un jour, des messieurs en imperméable de cuir noir étaient venus chez elle. Ils rassemblèrent toute la famille et on les obligea à monter dans un train. Le voyage était long, la nourriture arrivait mal. Puis, on l’amena dans un camp. Son père, ses frères partirent. Elle ne les revit plus jamais. La maladie faisait des ravages, surtout le typhus. Sa mère en mourût. Puis ses sœurs. Un jour, les gardiens du camp s’enfuirent pour ne plus revenir. Les Américains arrivèrent. C’était la libération. Alors elle raconta son histoire. Puis, chaque jour, ajouta un détail supplémentaire. Elle parla de machines de mort, qu’elle n’avait jamais vu, mais dont on commençait à parler. Les avoir vu ou en avoir entendu parler, quelle importance ? Donc, elle en parla et dit qu’on y avait tué sa mère, ses sœurs, son père, ses frères… La foule en redemandait : on veut en savoir plus, on veut des détails… et on lui donnait des jouets, des bonbons pour l’entendre parler. Prise au jeu, elle racontait ce qu’on lui demandait et la vérité de son histoire n’était plus qu’un noyau autour duquel le fruit de la légende prenait chair.
Parmi la foule, un jeune homme était présent. Il avait dans ses mains une poupée, des bonbons et un portefeuille avec un peu d’argent. On lui avait dit d’aller voir la petite victime et de bien la consoler et surtout, de bien demander pardon. La foule était énorme et serpentait. Il n’aimait pas la foule, mais il attendit. Et en attendant, il réfléchit. Il regarda autour de lui les maisons en ruines. Les gens disaient que c’était bien fait, ils payaient pour leurs crimes. Une dame sortit, en extase : la pauvre petite, ces pauvres gens, si innocents. Le jeune homme sentit comme une brûlure autour de son cou. Sa médaille de baptême semblait avoir été chauffée à blanc. Il ne se souvenait même plus d’elle, de l’avait jamais regardée. Il avait besoin de solitude, d’air… Il quitta la foule et s’installa sur une pierre. Il regarda la poupée et les bonbons. Lui donner ? Elle en a plus qu’il n’en faut. Et d’ailleurs pourquoi lui demander pardon ? Je ne lui ai rien fait moi… Les traits de la fillette lui étaient familiers… Mais oui, il la reconnaissait !!! Il l’avait toujours connu, depuis la nuit des temps. Elle était fille d’Ahasvérus, ce cordonnier maudit par le Christ qui devait errer jusqu’à la nuit des temps. Elle avait toujours été là, ils s’étaient toujours rencontrés, partout et en tout lieu. Car le jeune homme était tout aussi maudit et immortel. Pour avoir maudit les Grands Prêtres, le Sanhédrin avait fait de lui un mort-vivant. Jamais il ne mourrait, mais la seule vue de son apparence susciterait chez les gens la peur, la haine et l’horreur. Il avait beau cacher son visage derrière des masques, on le reconnaissait toujours. Il ferma les yeux. Il l’avait vu chez Poppée, lorsque l’impératrice susurra à Néron d’exterminer les Chrétiens. Il l’avait vu chez Tarik, quand les siens soudoyaient des vassaux wisigoths félons pour fondre sur l’Hispanie. Il l’avait vu chez Marat, quand ce pseudo-docteur excitait à la haine et exigeait du sang, encore du sang, surtout du sang de chrétien. Il l’avait vu chez les Bolcheviks, massacrant des peuples entiers. Il l’avait vu dans les milieux financiers, planifiant faillites et coups de bourses. Il l’avait vu dans l’entourage de Roosevelt, ordonnant la mise à mort du peuple allemand tout entier. Il l’avait vu en Espagne, dans les Brigades Internationales, où les siens violaient et tuaient les religieuses dans leurs couvents. C’était elle, inutile de le nier. Elle, elle et encore elle. Elle le vit et le reconnu. Elle le montra du doigt : « Le zombie ! C’est le zombie ! C’est lui qui veut me faire du mal !!! ». La foule s’avançait, menaçante… Il hurla : « Demande pardon, fille d’Ahasvérus ! Demande pardon pour les crimes des tiens, puisque tu exiges le pardon des autres ! ». La foule voulut le lyncher. Il ferma les yeux… Ce fut l’odeur qui le réveilla. Une odeur de mort et de brûlé. Où était il ? Il fit un rapide était des lieux. Il était intact mais n’avait plus son masque, ni sa fausse peau. Il vit le reflet de son visage plus ou moins décomposé et de ses haillons. Mais il avait encore la poupée, les bonbons et l’argent. Il y avait le silence, rien que le silence. Si je suis là, foi de Zombie, c’est qu’on m’y attend. Mais qui et pourquoi ? Il se sentait attiré vers une maison en ruine, qui avait été partiellement été incendié. Il y vit des cadavres carbonisés. Le zombie regarda les morts. L’un d’entres eux au moins avait été brûlé vif. Un homme d’environ 45 ans dit son instinct. Là, lui susurra le 6e sens zombiesque, tu as les cadavres de deux femmes : 40 ans et 65 ans, mortes toutes les deux violées collectivement et éventrées. La maison avait été pillée totalement. Il remarqua un escalier étroit qui menait à une cave. Il y descendit lentement. Une petite fille y était, prostrée, en haillons. Ses cheveux blonds sales étaient tout emmêlés et sentaient la suie. Elle n’avait pas mangé depuis au moins 5 jours si on en jugeait son était de faiblesse extrême. Du sang séché entre ses cuisses ne laissait planer aucun doute sur ce qu’elle avait subi. Elle vit le zombie mais n’eu pas peur. Après les horreurs qu’elle avait vu et subi, qu’est-ce qu’un zombie pouvait lui faire de plus… Le zombie lui tendit la main. La petite fille mit sa main dans la sienne et aussitôt, les lambeaux de peau reformèrent une main humaine. « Comment t’appelles-tu ? Qui s’occupe de toi ? » Elle répondit timidement : « Hilda monsieur Zombie. Personne ne veut me donner à manger, et on me jette des pierres. On a tué toute ma famille et on m’a fait beaucoup de mal, tous, ils étaient beaucoup… ». Le zombie hocha la tête « Et as-tu raconté ton histoire a quelqu’un ? ». « Personne ne veut m’écouter, monsieur Zombie. Ils disent que j’ai pas le droit de parler ». « Et bien moi je t’écouterais. Tiens, voici une poupée, des bonbons et avec cet argent, je vais t’acheter des vêtements… On ira dans toutes les villes et les villages de ton pays, on trouvera des millions de gens comme toi. Puis, on ira dans le mien, faire parler ceux qui ont été victimes de l’épuration. On ira en Russie, en Espagne, en Pologne, en Amérique, et tous ceux qui ont le cœur lourd mais qui sont seuls avec leur croix. Je marcherai en tête, sans masque, comme ça, ils seront tellement terrorisé à la vue de mon corps en décomposition qu’ils vous laisseront tranquille. Viens dans mes bras Hilda ». Ils sortirent de la maison en ruine, le mort-vivant portant l’enfant qui n’était guère en meilleur état… Et, jour après jour, année après année, le zombie fit le tour de monde, encore et encore, faisant parler ceux qui n’avaient pas le droit à la parole, essayant de prendre leur défense. Pour cela, on le haïssait. On disait que s’il n’avait donné la poupée et les bonbons à la petite juive, c’est qu’il la détestait. Mais si ils les avaient donné, qui aurait donné quelque chose à la petite allemande qui avait autant souffert qu’elle mais qui ne suscitait que répulsion ? Seul un zombie pouvait oser briser le tabou, tendre sa main à l’impure. Marchant à travers les années et les saisons, le zombie se demandait quand l’ancestrale malédiction s’achèverait et quand il pourra enfin goûter le repos temporel ou éternel… Aimé des faibles, haï des lâches et craint des puissants, le zombie continue a déambulé, décomposé de partout, à l’exception d’une épaule intacte. Là même où les larmes d’une petite fille rejetée de tous avait coulé…

mercredi 21 mars 2007

Quand ils ont...

Quand ils ont persécuté ton voisin parce qu’il était contre l’IVG, tu n’a rien dit car tu étais pour l’IVG.

Quand ils sont venus arrêter ton voisin parce qu’on le disait révisionniste, tu n’as rien dit car tu n’étais pas révisionniste.

Quand ils sont venus violer la fille de ton voisin parce qu’elle était blonde, tu n’as rien dit car tu n’étais pas blond.

Quand ils ont brûlé vive ta voisine parce qu’elle était catholique, tu n’as rien dit car tu n’étais pas catholique.

Quand ils sont venus tuer ton voisin parce qu’il était nationaliste, tu n’as rien dit car tu n’étais pas nationaliste.

Et quand ton tour est venu, il n’y avait plus personne pour t’aider…

jeudi 15 mars 2007

L'Emigrant

L'EMIGRANT

Je suis le plus grand veinard de la Terre
Hier soir on jouait au poker
J’ai gagné un billet en Première
Le 10, je me barre d’Angleterre…

A moi les sept jours de traversée
A moi le luxe, les fins dîners
A moi les cabines capitonnées
A moi les bals et les soupers

Une nouvelle vie s’ouvre à moi
Un grand avenir me tend les bras
Je serai très riche là-bas
Oh New-York, j’arrive ! Me voilà

Le 10 je pars pour l’Amérique
Le 10, tout deviendra magique
Le 10, je traverse l’Atlantique
Le 10, j’embarque sur le Titanic…

mercredi 14 mars 2007

Andernach

ANDERNACH

Andernach est la porte de l’enfer
Andernach quelque part en Bavière
Andernach terrible camp de la mort
Andernach, mais qui s’en souvient encore ?

Andernach, des milliers de morts-vivants
Andernach, avancent en geignant et rampant
Andernach, on ne leur donne rien à manger
Andernach, ils broutent de l’herbe pour subsister

Andernach, avance une petite fille blonde
Andernach, près des barbelés elle tombe
Andernach, elle venait nourrir son papa
Andernach, mais une balle en pleine tête la frappa

Andernach, le GI tout contant
Andernach, d’avoir tué cet enfant
Andernach, une cigarette dans la main
Andernach, ricane : « une sale Boche en moins ! »

Andernach, les zombies vivent dans des trous
Andernach, ni tentes, ni abri rien du tout
Andernach, ils ne sont pas là en prisonniers
Andernach, ils sont justes là pour crever

Andernach, une jeep entre dans le camp
Andernach, portant des GI tous contents
Andernach, des gamines ils sont allés violer
Andernach, des maisons ils sont allés piller

Andernach, c’était il y a 60 ans
Andernach, ils sont tous morts à présent
Andernach, pour ne jamais oublier
Andernach, des massacres pour des idées

Andernach, quand les tours sont tombées
Andernach, c’est à vous que j’ai pensé
Andernach, votre vengeance est arrivée
Andernach, ne jamais pardonner…

mardi 13 mars 2007

Ghetto

GHETTO

Pendant des années j’ai voulu parler
A ceux qui était de l’autre côté
Mais au mur qu’ils ont élevé
A répondu notre fossé

Nous sommes parqués dans le ghetto
On nous regarde comme dans un zoo
Pour eux nous sommes des animaux
Nous ne sommes pas du tout égaux

Dans les bocaux les papillons
Se heurtent au verre sans solution
Dans le ghetto comme en prison
On n’en sort pas sans rémission

Nos voix ne comptent pas
Notre mémoire n’existe pas
La dignité, n’y compte même pas
Justice, mérite, c’est pas pour toi

Ma femme est née dans le ghetto
Mes enfants vont à l’école du ghetto
Mes lecteurs sont tous dans le ghetto
Mes amis sont ceux du ghetto

Quand viendra la délivrance ?
Quand cessera notre souffrance ?
Quand on osera renier la France
Quand on criera INDEPENDANCE !